Par Jonas Kiriko
En RDC, des saisis d’espèces sauvages protégées ainsi que l’ivoire s’opèrent couramment auprès des trafiquants illégaux. Cependant, par manque de mécanismes adéquats de stockage/conservation,de traçabilité et suite à la corruption, ces objets restent longtemps dans les locaux des services les ayant saisis. Ce qui les expose à retomber entre les mains des trafiquants.
Pour mettre fin à cette situation, des activistes de la protection de la faune sauvage suggèrent la création des plusieurs sanctuaires pour accueillir les espèces sauvages rescapés du trafic, le renforcement de la sécurité pour les sanctuaires existants et l’incinération des ivoires, ainsi que d’autres objets saisis pour éviter qu’ils retombent dans le circuit illégal.
Une des saisies record a été enregistrée à UVIRA dans la province du Sud-Kivu en 2022, avec près d’une demi-tonne d’ivoire, équivalant à environ 20 éléphants abattus, selon les estimations des responsables du Parc national de Kahuzi Biega.
Certains parmi ces ivoires saisies avait déjà un marquage, on ne sait de quel service étatique engagé dans la lutte contre le braconnage et le trafic d’espèces sauvages protégées. Ce qui laisse présager qu’ils avaient déjà fait l’objet d’une autre saisie précédente ou d’un stockage antérieur. A fait, selon un activiste environnemental d’Uvira au Sud-Kivu qui préfère garder l’anonymat, ces ivoires portaient des marquages (lieu, poids, date) qui suggèrent qu’il s’agit d’objets volés dans un stock quelque part en RDC.
Cette source ajoute cependant, que les trafiquants peuvent utiliser des faux permis ou marquer eux-mêmes l’ivoire pour tromper la vigilance en laissant penser qu’il s’agit d’un circuit légal ou d’une opération autorisée.
Pire encore, la destination de ces objets n’est pas connue regrette Josué Aruna, président de la société civile environnementale de la province du sud Kivu.
“C’est ce qui se passe. Je vous donne l’exemple d’Uvira, ça (ivoire) a été saisi, mais aujourdhui on ne connaît pas sa destination. Nous n’avons pas la certitude qu’ils (ivoire) ont été transmis à Kinshasa… Pour ce cas d’Uvira, c’est retourner sur la marché noir puisque rien n’a filtré sur la destination , rien ne conduit à savoir qu’ils ont été remis à l’institut congolais de la conservation de la nature (ICCN) ou transferer à Kinshasa (capitale de la RDC)”, a affirmé Josué Aruna.
Il devient de plus en plus courant de trouver les objets saisis entre les mains des trafiquants. En juillet 2022, quatre trafiquants dont un célèbre pasteur d’une église locale, arrêtés trois mois avant à Bukavu chef-lieu de la province du Sud-Kivu, ont été condamnés par le tribunal de grande instance de Bukavu pour détention et /ou de possession illégale des défenses d’éléphants.
La carte #WildEye Eastern Africa d’Oxpeckers Investigative Environmental Journalism en partenariat avec InfoNile a suivi 134 cas de criminalité liée aux espèces sauvages en RDC entre 2017 et 2023. Cependant, la plupart des cas se sont arrêtés aux arrestations et n’ont pas documenté l’état des affaires judiciaires et des condamnations.
De nombreux trafiquants d’espèces sauvages illégales ont été arrêtés alors qu’ils se dirigeaient vers l’Ouganda via des villes et villages de l’est de la RDC, notamment Butembo, Beni, Goma, Bukavu et le parc national de la Garamba à la frontière avec le Soudan du Sud.
C'est effectivement une bonne chose d'arrêter des trafiquants et de les traduire devant la justice, mais cela ne suffit pas pour lutter contre la criminalité liée aux espèces sauvages. Bien qu'il y ait eu poursuites et condamnations, rien ne garantit que ces ivoires ayant fait l'objet de la condamnation ne pourront plus retomber entre les mains d'autres trafiquants, soit faute de mécanisme centralisé de stockage, soit par la corruption.
En juillet 2021 à Butembo, un grand centre urbain se trouvant à proximité du parc national des Virunga dans la province du Nord-Kivu, une opération de filature d’un présumé braconnier menée par les autorités de l’institut congolais de la conservation de la nature (ICCN) a bâclé, déversant environs une cinquantaine des kilogrammes d’ivoires, selon les estimations de la police, entre les mains des habitants et échappant ainsi au contrôle des services étatiques.
Plus au sud du pays, à Lubumbashi dans la province du Haut Katanga, des bébés chimpanzés ont été volés dans un sanctuaire. Les ravisseurs ont réclamé auprès du propriétaire du sanctuaire un montant de deux cents mille dollars américains(200.000 USD), avant de lui remettre ces animaux .
Les exemples peuvent se multiplier où des cachots de la police ou encore des postes de patrouilles des rangers de l'institut congolais pour la conservation de la nature sont attaqués et dépossédés des objets saisis ou encore libérer des détenus dont des braconniers et trafiquants de grand chemin.
Ces attaques sont souvent l'œuvre des groupes armés locaux et étrangers qui sont actifs dans et à proximité des parcs nationaux et des aires protégées en RDC. Fin 2022 et c'est encore le cas aujourd'hui, le parc national des Virunga dans sa partie sud, est largement sous le contrôle de la rébellion du M23 ainsi que des miliciens Nyantura. En conséquence, plus aucun contrôle de mouvement pour les gorilles ne s'effectue.
Ce manque de surveillance augmente le braconnage et expose des bébés gorilles piégés par des braconniers, s'inquiète Bienvenu Bwende qui est chargé de communication du parc national des Virunga. Il ajoute qu'au centre du parc il y a l'activisme des miliciens MAI MAI et des FDLR qui s'attaquent à la faune et la flore du parc, alors qu'au Nord c'est la menace des terroristes de l'ADf qui pèse sur le parc.
Kivu Security Tracker, un projet du Groupe d'étude sur le Congo de l'Université de New York et de Human Rights Watch, répertorie plus d'une demi-douzaine de groupes armés qui pratiquent le commerce transfrontalier illégal entre la RDC et l'Ouganda. Les revenus générés par le trafic des ressources naturelles du Parc sont estimés à 175 millions de dollars américains par an. Plus de 100 000 personnes tirent également leur gagne-pain direct des activités illégales dans le parc national des Virunga.
Entre 2017 et 2020, on estime que 50 millions de dollars ont contribué à l'enrichissement des milices et groupes armés. L'argent des enlèvements, des vols et des meurtres renforce leur pouvoir. Les redevances perçues aux différents péages établis aléatoirement représentent également des revenus indirects du Parc. Les trafics internationaux portent essentiellement sur l’ivoire et le bois précieux. Ceux-ci représentent une menace sérieuse, notamment pour les éléphants, mais leur impact demeure relativement faible en comparaison aux trafics à l’échelle locale, estime l’alliance Virunga qui gère le parc..
Anicet (nom d'emprunt), a déjà fait du trafic de défenses d'éléphants. Dans un village situé en territoire de Beni dans la province du Nord-Kivu à proximité du Parc national des Virunga, il est connu comme boucher avec pour spécialité la vente de viande bovine. Il témoigne qu'étant donné la ressemblance entre les cornes de bœufs et l'ivoire, il est facile de faire passer l'un pour l'autre, sans se faire repérer par la police ou autre service étatique.
« Pour déplacer nos troupeaux, nous partons la nuit pour permettre aux animaux de se déplacer sur de longues distances sans se fatiguer. J'en ai profité plus d'une fois pour transporter de l'ivoire vers des grandes villes comme Butembo sans que personne ne s'en aperçoive”, a révélé cet homme d'une quarantaine d'années.
Tous ces actes sont nourris par manque de connaissance sur les espèces endémiques à protéger, l’absence de l’autorité de l'État, les conflits d'intérêts, la corruption, la recherche du gain facile et la légèreté dans l’application des lois en la matière.
Lors de la dix-huitième session de la Conférence des Parties Colombo (Sri Lanka, 23 mai 3 juin 2019), la Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de la Flore Sauvages Menacées d’Extinction (CITES), a dit être “au courant d'un certain nombre de vols d'ivoire dans les stocks détenus par les gouvernements membres ces dernières années…”.
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Des lois existantes, mais muettes sur le stockage des objets saisis
Les efforts nationaux de lutte contre le braconnage et contre le commerce illégal des produits, sous produits d’éléphant ainsi que d'autres espèces sauvages, passent notamment par la traçabilité et la transparence dans la gestion des stocks existants d’ivoire. Un rapport de Traffic une organisation internationale de lutte contre les trafics de la faune et de la flore publié en 2020, affirme le fait qu'en RDC, “il n’existe pas de système national de gestion des stocks d'ivoire”.
Cette décentralisation prédispose l’ivoire au vol et à la corruption du conservateur en ce sens que chaque service qui saisit, peut conserver les ivoires ou les espèces pour une durée illimitée.
Deux ans après la publication du rapport Traffic (NdlR), il n'y a toujours pas de mécanisme de stockage. Si le mécanisme existait, il centraliserait toutes ces saisies du niveau local au niveau national. La CITES RDC a rendu public en 2022, un rapport d'étape actualisé et enrichi sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de son Plan d' Action National pour l'ivoire (PANI). Ce rapport parle de “en bonne voie” sans en dire plus, pour ce qui est de “l'inventaire des stocks d’ivoire existants et du développement au niveau national, d’un système fiable de stockage et de gestion de l'ivoire confisqué.”
Concernant les sanctuaires et autres aires protégées, ils sont moins sécurisés. Pour le cas des sanctuaires qui sont gérés par des particuliers, ces derniers organisent eux-mêmes la garde. Alors que pour d'autres, y compris les parcs nationaux, ils sont protégés par des éco-gardes souvent en sous-effectifs et mal équipés. Ce qui les prédisposent à des intrusions des braconniers des groupes armés ou des exploitants des minerais et forestiers ou encore des trafiquants des espèces fauniques.
Par ailleurs, il est admissible de souligner que le cadre légal et réglementaire national de la RDC n’aborde nullement la question de la gestion des stocks d’ivoire d’éléphant. Dans la pratique, les espèces sauvages protégées ainsi que l’ivoire saisi en RDC et celui retrouvé sur les carcasses d’éléphants morts ou sur le sol sont confiées à l'Institut Congolais de la Conservation de la Nature (ICCN).
“Cette institution l’entrepose dans ses bureaux et/ou sites en attendant de les consigner à l’Hôtel des monnaies de la Banque Centrale du Congo, lequel détiendrait des stocks d’ivoire assez importants. D’autres ivoires sont stockés dans les parquets, les entrepôts des douanes, les coordinations provinciales de l’environnement ou encore dans les stations des différentes aires protégées (produits des saisies des gardes lors des patrouilles de lutte contre le braconnage) de l’ICCN, les stocks détenus ne sont pas inventoriés et aucun chiffre exact n’a, à ce jour, été donné ni la manière dont ils sont conservés”, peut-on encore lire dans le rapport de Traffic (ndlr).
La loi congolaise relative à la conservation de la nature de 2014 qui n’indique rien sur la gestion des stocks notamment d’ivoire, dispose en son article 83 que «outre les sanctions pénales prévues aux articles 71 à 81 de la présente loi et sans préjudice de la législation sur les armes à feu, les spécimens et produits, ainsi que les objets ayant servi à la commission des infractions à la présente loi sont confisqués et confiés à l’organisme public chargé de la conservation».
En lisant la loi sus-évoquée à son article 36, alinéa 1, un doute se crée. En effet, cette loi dispose que « l’Etat met en place un organisme public ayant pour mission la gestion des aires protégées d’intérêt national». Les alinéas 2 et 3 du même article 36, renforcent ce doute en disposant que « la province met en place un organisme public ayant pour mission la gestion des aires protégées d’intérêt provincial et local. Un décret délibéré en Conseil des ministres ou un arrêté du gouverneur de province, selon les cas, en fixe le statut ». Il s’agit là de la faiblesse de cette loi dans laquelle, le législateur congolais n’a pas cité clairement le nom de l’ organe pouvant assurer la garde des objets saisies.
Le nom de l’institut congolais de la conservation de la nature (ICCN) dont la création est intervenue en 1975 et puis modifié en 2010, ne ressort pas clairement dans cette loi comme organe chargé de stockage des objets saisis. Pourtant; celle-ci est postérieure à la mise en place de cette institution. En outre, la loi prévoit la mise en place des organismes similaires au niveau des provinces pour la gestion des aires protégées d’intérêt provincial et local. Ce qui laisse également entrevoir clairement que le législateur se projette dans l’avenir.
La corruption et le trafic d'influence minent ce secteur
“En matière de biodiversité, il est souvent très difficile, dans un système judiciaire corrompu, d'apporter la preuve devant un juge. Actuellement avec la corruption, il nous arrive de contribuer à des arrestations des braconniers avec de la viande d'éléphant par exemple, mais demain devant le juge, cette viande ou ses restes seront déclarés comme appartenant à une chèvre. Ce sont des cas que nous avons rencontrés”, témoigne Olivier Ndoole qui travaille comme activiste de l’environnement et du foncier en RDC depuis une dizaine d'années.
Et d’ajouter,
“Il en est de même pour la flore. Un individu peut être arrêté en train de faire de la braise dans le parc ou dans une aire protégée. Mais, devant le tribunal on va demander la différence entre la braise qui vient du parc de celle d’ailleurs ou de prouver réellement qu’elle provient du parc”.
Ce point de vue est soutenu par Adams Cassinga, activiste de la faune et de la flore. Il est aussi responsable de l’organisation Conserv Congo. Lui et son organisation mènent des enquêtes sur les crimes contre la faune et la flore dans le bassin du Congo. Pour cela, il a un réseau d’une centaine des points focaux (agents) à travers la RDC.
“En fait, c’est un phénomène qu'on n'a jamais compris. Et, cela devient difficile quand il y a une main noire derrière”, déclare Adams qui indique avoir des exemples, mais qu’il ne rendra pas public pour éviter des “ennuies".
“Les gens qui sont censés connaître et contribuer à la protection des espèces sauvages, en réalité ils ne connaissent pas. Cette ignorance est même ancrée au sein de nos dirigeants, eux qui sont censés nous dire ce qu’il faut faire en la matière. Tout ça parce que la conservation, comme pour le reste des secteurs en RDC, sont tout le temps politisés”, argumente Adams Cassinga.
La lutte pour la conservation se heurte également au trafic d’influence qui est très courant en RDC.
Selon lui, en RDC des secteurs qui méritent d'être gérés par des scientifiques ou des techniciens comme celui de la conservation de la faune et de la flore, sont pénalisés par les ingérences intempestives des politiques. Ce qui rend difficile la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages et le trafic d'espèces sauvages.
Dans le cadre de cette investigation, un problème d'accès aux données sur la criminalité liée aux espèces sauvages auprès de diverses autorités (police, tribunaux, services douaniers et aéroports) , s’est posé avec acuité. Il en est de même pour l'accès aux données disponibles auprès de l’institut congolais de la conservation de la nature (ICCN) et auprès de la CITES RDC. A chaque fois , on allait de rendez-vous à rendez-vous non concluant avec soit les responsables de ces service soit avec leurs chargés de communication qui semblaient vouloir coopérer mais dans les faits, c'était le contraire.
Pour le cas particulier des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri où l'état de siège est instauré depuis mai 2021, tous les dossiers en cours d’instruction auprès des tribunaux civils ont été transférés auprès des tribunaux. Ces derniers ont été submergés par des tas de dossiers à traiter, ce qui fait qu’aucune audience n'était possible pour des requêtes semblables à la nôtre. “Il faut repasser prochainement", “nous devons avoir l’autorisation de notre hiérarchie", disaient de façon continue nos interlocuteurs.
En RDC, il existe depuis mars 2023 une nouvelle loi sur l’exercice de la liberté de la presse. En son article 96, cette loi oblige tout détenteur d'informations d'intérêt public à les mettre à la disposition des professionnels des médias. C'est une innovation dans la loi sur l’exercice de la liberté de la presse dans le pays, mais qui n'est pas encore appliquée.
S’assurer que les espèces et objets saisis ne retombent plus entre les mains des trafiquants
Selon Traffic(ndlr), il est nécessaire de définir un système national de gestion des stocks d’ivoire d’éléphants pour la RDC. Ceci, en tenant compte notamment, des différentes sources d’ivoire, des services compétents pour les recueillir, des mesures et du marquage, de l’enregistrement, du stockage et de la sécurisation des stocks, des outils et des moyens pour une bonne gestion dont des audits réguliers.
Il en est de même pour les autres espèces sauvages pour lesquelles des sanctuaires doivent être créés. En plus de cela, il faut renforcer la sécurité des sanctuaires existants. Par exemple, le siège du Parc National des Virunga à Rumangabo abrite le Centre SenKwekwe, la seule installation au monde pour les gorilles de montagne orphelins. Chacun de ces orphelins a perdu sa famille à la suite des actes de braconnage. Ils sont maintenant pris en charge par un personnel expert qui leur fournit des soins quotidiens.
Le Centre Senkwekwe est un sanctuaire unique offrant aux gorilles la chance de mener des vies heureuses et sécurisées dans leur enclos forestier, s’est toujours félicité le parc national des Virunga.
En ce qui concerne les politiques, la RDC dispose d’un Plan d’Action Nationale pour l’Ivoire (PANI). Son objectif global est de « renforcer la lutte contre le braconnage des éléphants et le trafic illicite d’ivoire et d’autres spécimens d'éléphants en collaboration avec tous les acteurs concernés». Ce plan s’articule autour de 7 objectifs spécifiques, parmi lesquels celui portant «amélioration du système de gestion et de traçabilité de stock d’ivoires en RDC » . Si ce plan est mis en œuvre, des avancées positives pourront être enregistrées dans l’avenir.
Pour Adams Cassinga, il faut mener une sensibilisation pour instruire toute la communauté congolaise sur les espèces endémiques que le pays regorgent et la nécessité de les protéger. Il propose aussi de s'inspirer du Kenya et d’autres pays de l'Afrique australe dont l’Afrique du sud qui, au lieu de conserver les ivoires sans assurance de bien de le faire, les incinère carrément. Cela empêchera qu’ils retombent dans le circuit illégal.
De son côté, Olivier Ndoole estime qu’il faut restaurer l'autorité de l'Etat non seulement dans les aires protégées, mais aussi sur l’ensemble du territoire national. Selon lui, l'économie noire du trafic illicite autour du parc national des Virunga nourrit les groupes armés qui favorisent le braconnage, la coupe de bois pour faire de la braise et encourage la pêche illicite sur le lac Edouard. Il propose aussi d'éduquer les communautés locales pour qu’ils deviennent des “agents de renseignement” en faveur de la lutte contre la criminalité autour de la faune et de la flore.
Pour lutter contre le braconnage et le trafic des espèces sauvages, l’organisation Conserv Congo (ndlr) a déjà initié plusieurs projets communautaires dans l’élevage et l’agroforesterie. Ils se trouvent dans le plateaux des Bateke dans la périphérie de Kinshasa, à Mokoto dans la province de la Tshuapa et à Ikoma dans la province du Sud-Kivu. Ici, avec les communautés locales, Conserv Congo pratique de l’élevage et de l’agroforesterie pour lutter contre le braconnage, contribuer à la préservation des forêts et à la sécurité alimentaire dans les ménages.
« L’objectif est d’encourager ceux qui peuvent aller dans la forêt pour devenir braconnier à choisir l’élevage. Mais aussi, les populations dans les milieux ruraux ne vivent que de la viande de brousse. Si quelqu’un te dit qu’il a mangé de la viande, il faut directement penser à la viande de brousse. Ainsi, nous leur permettons d’avoir accès à la viande près de leurs domiciles avec comme finalité, contribuer à la sécurité alimentaire», a déclaré Adams Cassinga, responsable de cette organisation. Conserv Congo compte bientôt mettre en place une initiative de ce genre à Sake près du parc national des Virunga dans la province du Nord-Kivu.
Dans le cadre cette investigation nous avons recueillis un témoignage d’un ancien braconnier, aujourd’hui reconverti dans le journalisme au sein d’une radio communautaire émettant de Kyavinyonge une pêcherie du lac Édouard situé en territoire de Beni dans la province du Nord-Kivu, en plein parc des Virunga. Il explique que le braconnage est souvent considéré comme principale source de revenu pour le braconnier. En tuant les espèces protégées, leur viande est beaucoup destinée à la vente et la partie restante à la consommation dans les ménages. Pour abandonner cette pratique, il dit avoir pris conscience du danger qu’il court en tant que braconnier. Cette prise de conscience a été renforcée par la sensibilisation sur la nécessité de garder l’espèce sauvage pour le bien de la communauté toute entière.
« Dans des émissions à la radio ainsi que dans des tribunes d’expression populaire organisées ici chez nous par les organisations partenaires du parc des Virunga, on m’a fait comprendre que si je tue un hippopotame, je contribue à l’infertilité lac, de qui plusieurs familles de ma localité dépendent. J’ai aussi compris que le tourisme peut générer beaucoup d'emplois ici chez nous, si nous ne tuons pas les espèces qui sont dans le parc, a-t-il confié.
Cet ex-braconnier insiste sur l’urgence de donner des emplois aux habitants qui sont autour des aires protégées pour les dissuader de les violer et de tremper dans le trafic illicite de l’ivoire et des espèces sauvages.
Aujourd’hui avec son micro et à travers la langue Kinande majoritairement parlée dans la région, il sensibilise la communauté et la conscientise afin de devenir le premier protecteur de la faune et de la flore pour son bien propre et celui de l’humanité toute entière.
Cette enquête a été soutenue par InfoNile, en collaboration avec le projet Oxpeckers #WildEye Eastern Africa, avec un financement du projet Biodiversity Media Initiative de Earth Journalism Network.